Idoles antiques

Der Sturz des Irminsul / Alfred Rethel (Krönungssaal des Aachener Rathauses ; Wikimedia Commons)

La chute de l’Irminsul (Der Sturz des Irminsul / Alfred Rethel (Krönungssaal des Aachener Rathauses ; Wikimedia Commons))

L’image des « faux dieux »

Le Christianisme, à la suite de la religion juive, considérait les représentations des dieux grecs ou romains comme des idoles, c’est-à-dire des objets façonnés par des mains d’homme auxquels on rendait un culte. Il s’agissait, du Nouveau Testament au Moyen Âge, de discréditer les cultes païens. L’Église critiquait à la fois le culte de « faux dieux » et l’adoration d’objets sans référent réel sous le vocable d’idolâtrie. Pour les missionnaires chrétiens, la diffusion de la vraie foi ne pouvait se faire sans la disparition des pratiques anciennes et tout culte comportant une dévotion à un artefact devenait idolâtre. Pourtant les vestiges de la Rome antique continuaient d’être admirés et devinrent le support d’histoires merveilleuses racontées par des pèlerins ayant perdu le sens de ce qui était représenté.

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La Pierre Levée à Poitiers (Wikimedia Commons)

Des pierres merveilleuses

À la fin du Moyen Âge, alors que la statuaire antique devenait un modèle pour les promoteurs de la Renaissance italienne, les restes des civilisations moins connues, comme les menhirs ou les dolmens, étaient l’objet de légendes populaires. On racontait que la Pierre Levée de Poitiers avait été construite par sainte Radegonde ou que, comme l’affirme Rabelais, le géant Pantagruel l’avait arrachée à la falaise pour dresser le banquet des étudiants ; et on disait que celle de Silly-en-Gouffern portait les empreintes de doigts des fées.

Des œuvres d’art

À partir du XVIIIe siècle, les idoles antiques prirent un nouvel intérêt pour les Philosophes des Lumières. En tant qu’objet de culte, elles continuaient d’être méprisées comme traces de superstitions, mais en tant qu’ouvrages humains, elles acquéraient le statut d’œuvres d’art et de reliques de civilisations brillantes disparues. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert témoigne, dans plusieurs articles, de ce nouveau regard porté sur ces effigies de dieux, fruit d’une réflexion anthropologique naissante et des débuts de l’histoire de l’art : on séparait art et croyances religieuses.

Des représentations énigmatiques

C’est le XIXe siècle qui rhabilla ces idoles d’une robe surnaturelle : le développement de l’archéologie fit apparaître des œuvres énigmatiques propices au développement d’histoires mystérieuses. La découverte en 1848 d’une statue de pierre zoomorphe dans le village de Noves sembla corroborer la légende locale de la Tarasque. Dans sa nouvelle La Vénus d’Ille publiée en 1837, Prosper Mérimée traduit cette fascination en faisant le récit d’événements troublants et tragiques entourant la découverte d’une représentation féminine antique dans le sud de la France. Ce récit fantastique entretient le doute sur la réalité des phénomènes et, en même temps, enveloppe l’idole d’une atmosphère d’étrangeté.

Benoît Traineau

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