Merveilleux moderne et fantastiques

Oeuvres diverses / Cyrano Bergerac.- Amsterdam [i.e. Rouen] : Jacques Desbordes, 1710 (Poitiers, BU, Fonds ancien, FAP 4541)

Le merveilleux moderne

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, à quelques exceptions notables près, comme Athanasius Kircher, le merveilleux n’apparaissait presque plus que dans le domaine littéraire. Il quitta le naturel pour rejoindre le surnaturel. Deux attitudes coexistaient. Chez certains, en particulier chez les dramaturges, le merveilleux était bridé par l’académisme, et, s’il était utilisé, il était alors vu comme un artifice. D’autres résistaient à l’idéal classique, laissant libre cours à leur imagination et au désordre, comme le fit par exemple Cyrano de Bergerac dans le Voyage dans la lune.

Le fantastique illusoire et le fantastique surnaturel

À partir du XIVe siècle, le terme « fantastique » fut utilisé pour nommer ce qui était illusoire, voire insensé. Ce n’est qu’au XIXe siècle que ce mot prit le sens d’étonnant, incroyable, et qu’il devint un genre littéraire, dans lequel le surnaturel apparaît au cœur d’un récit réaliste, mais il faut chercher les sources du fantastique dans le XVIIIe siècle. Le fantastique se caractérise par l’arrivée d’un fait étranger, voire étrange, qui suscite l’angoisse. La transgression des lois morales, qu’elles soient personnelles ou que ce soient celles de la société, est alors centrale.

Prosper Mérimée, de l’Académie française / M. Desboutin.- 1878 (Paris, BnF, FOL-EF-415 (I, 2) ; Source gallica.bnf.fr / BnF)

Frontières entre merveilleux et fantastique

« La littérature merveilleuse et fantastique a pour objet le récit de phénomènes exceptionnels ou inexpliqués, étrangers au monde de notre expérience, qui nous paraissent en contradiction avec les lois connues régissant le monde extérieur, objectif, ou la chaîne de nos représentations subjectives. » (H. Matthey, Essai sur le merveilleux dans la littérature française depuis 1880, Lausanne, 1915). Cette définition assez ancienne souligne très clairement les caractéristiques communes au merveilleux moderne et au fantastique.

Comme le merveilleux moderne, le fantastique, dans lequel s’illustre tout particulièrement Prosper Mérimée, apparaît dans un monde où coexistent deux ordres contradictoires, le monde naturel, dont les lois sont connues, et le surnaturel, dont les lois échappent à la connaissance. Mais, contrairement au merveilleux moderne, le lecteur, dans les récits fantastiques, ne peut choisir entre les deux et le doute subsiste pendant toute la lecture. Si cette incertitude disparaît, soit le lecteur rejoint le réel, soit il rentre dans le merveilleux en acceptant la part de surnaturel.

Dans les deux cas, merveilleux moderne et fantastique, l’imagination a libre cours. Tous deux donnent à voir le rapport de l’homme avec le monde, et avec lui-même, et proposent des explications à ce qui échappe à la compréhension en cherchant une cause autre, qui peut être surnaturelle. Les frontières s’effacent entre le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux, le normal et l’anormal. L’Homme est pris dans sa totalité. Cette littérature pouvait être un moyen d’exprimer un refus, une révolte.

Anne-Sophie Traineau-Durozoy

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