Phénix – symbole du renouvellement

Mosaïque de pavement, Daphné, faubourg d’Antioche-sur-l’Oronte, 2de moitié du IVe siècle (Paris, musée du Louvre, MA 3462 (MND 1953) ; Wikimedia Commons)

Mosaïque au phénix (Mosaïque de pavement, Daphné, faubourg d’Antioche-sur-l’Oronte, 2de moitié du IVe siècle (Paris, musée du Louvre, MA 3462 (MND 1953) ; Wikimedia Commons))

Bestiaire, v. 1200 (Aberdeen University Libary, ms. 24 ; Wikimedia commons)

Enluminure au phénix (Bestiaire, v. 1200 (Aberdeen University Libary, ms. 24 ; Wikimedia commons))

Invention du phénix

L’existence du phénix a toujours été mise en doute par les auteurs. Il est cité pour la première fois dans l’Histoire d’Hérodote (livre II, 73), qui dit avoir vu une peinture dans laquelle l’animal ressemblait à un aigle doté d’un plumage rouge et doré. D’après Pline l’Ancien (Histoire naturelle, livre 10, II), la queue du phénix entremêle des plumes azur et roses ; il est doté de crêtes sous la gorge et d’une huppe sur la tête.

Selon la légende, sa vie est extrêmement longue ; elle varie d’un auteur à l’autre entre 500 et 1500 ans. Ovide (Métamorphoses, livre 15, 391-417) indique qu’avant de mourir, cet oiseau construit un nid avec des tiges de cannelle et de divers encens et meurt dans les parfums ; le jeune phénix renaît alors dans les cendres de son père.

Isidore de Séville (Étymologies, livre 12, 7 :22) donne au VIIe siècle l’explication du nom de cet oiseau merveilleux. Comme ses fameux prédécesseurs, il dit que le phénix est né en Arabie et qu’en arabe le mot phoenix signifie tout ce qui est singulier, rare et unique. Une autre étymologie possible proposée par Isidore vient du grec ancien phoeniceus – pourpre, référence à la couleur de son plumage.

 

Cathédrale Saint-Étienne de Metz, portail sud, XIIIe siècle, restauré au XIXe siècle

Phénix sculpté (Cathédrale Saint-Étienne de Metz, portail sud, XIIIe siècle, restauré au XIXe siècle)

Histoire et description du phoenix / Guy de La Garde de Chambonas.- Paris : Regnault Chaudière, 1550 (Paris, BnF, RES-YE-1648)

Phénix gravé (Histoire et description du phoenix / Guy de La Garde de Chambonas.- Paris : Regnault Chaudière, 1550 (Paris, BnF, RES-YE-1648))

Significations

Dans l’Égypte ancienne et la Grèce antique, le phénix symbolisait la rénovation solaire. Ce fut, semble-t-il, sous l’empire romain qu’il devint le symbole de sa perpétuité. Le christianisme fit immédiatement le lien avec la résurrection du Christ grâce à sa régénération merveilleuse. Dans les Bestiaires médiévaux, le phénix constitue ainsi une représentation du Christ dont l’image doit rayonner dans le cœur des croyants comme le soleil qui se lève de nouveau chaque matin. Plus rarement, le phénix est comparé à un juste, rassemblant les encens de la vertu pour préparer la résurrection après la mort.

Iconologie / Cesare Ripa.- Paris : Mathieu Guillemot, 1644 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, FAM 1411)

Ce frontispice gravé sur cuivre par le peintre et graveur Jacques de Bie présente le contenu du livre. Les hiéroglyphes sont placés sur deux obélisques égyptiens surmontés d’animaux symboliques, le phénix et l’aigle regardant le soleil, Dieu, en face. Colosse, emblème de force, et Jupiter, représentant les vertus principales, sont placés sur le socle portant le cartouche avec la date et le lieu d’impression de l’ouvrage. (Iconologie / Cesare Ripa.- Paris : Mathieu Guillemot, 1644 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, FAM 1411))

L’image de cet oiseau merveilleux fut également exploitée dans la poésie courtoise. Ainsi, dans son Bestiaire d’un poète (XIIIe siècle), Thibaut de Champagne, roi de Navarre, propose une image plus originale : il compare l’Amant qui voit sa dame avec le phénix qui prépare son nid cherchant à mourir. Dans l’héraldique cet oiseau symbolise l’Espérance.

 

Minerva / Francisco Sánchez de las Brozas.- Salamanque : Jean et André Renaut, 1587 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, XVI 9)

Cette reliure assez modeste décorée d’un petit fer à l’image du phénix parle plus du lecteur que des imprimeurs de ce livre. Au XVIe siècle les livres imprimés étaient vendus en cahiers, et chaque acheteur avait ensuite la possibilité de commander une reliure à son goût et pour son budget. Les ateliers de reliure se trouvaient à l’intérieur des librairies ou étaient complètement indépendants. Le possesseur de ce petit volume pouvait être un humaniste, frotté de culture antique : intéressé par la langue latine et lisant en latin, il a pu choisir le phénix comme rappel des auteurs anciens. Cela pouvait être également quelqu’un de très pieux ayant choisi cet oiseau fantastique comme symbole de la résurrection. (Minerva / Francisco Sánchez de las Brozas.- Salamanque : Jean et André Renaut, 1587 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, XVI 9))

Image du phénix

Le phénix est généralement représenté sous trois formes : celle d’un faisan, d’un échassier (par exemple, la grue ou le héron) ou d’un aigle. Il est le plus souvent assis dans son nid entouré de flammes, sur un bûcher ou un palmier (le mot grec désignant cet oiseau signifie également « palmier-dattier »). Plus rarement, le phénix pouvait être représenté à côté de l’apôtre saint Paul, l’un des principaux hérauts de la résurrection du Christ.

 

Dicta notabilia, et in thesaurum memoriae reponenda / Aristote.- Venise : Giovanni Padovano et Venturino Ruffinelli, 1534 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, XVI 195/02)

La marque de l’imprimeur vénitien Venturino Ruffinelli placée à la fin de ce volume représente le phénix sur un bûcher tourné vers le soleil. Parmi les multiples versions de la mort du phénix, on trouve celle décrite au XIIIe siècle par Pierre de Beauvais dans son bestiaire : « Au mois de mars ou d’avril, il construit un bûcher… puis il volette au-dessus du bûcher, tourné vers le soleil de telle sorte que par le battement de ses ailes, le bûcher s’embrase, et c’est de cette manière qu’il se brûle lui-même en ce lieu. » L’encadrement de la page de titre de ce livre porte également, en haut au milieu, l’image du phénix. (Dicta notabilia, et in thesaurum memoriae reponenda / Aristote.- Venise : Giovanni Padovano et Venturino Ruffinelli, 1534 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, XVI 195/02))

Oratorio de i religiosi, et esercitio de i virtuosi / Antonio de Guevara.- Venise : Gabriele Giolito de Ferrari, 1560 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, XVI 883)

L’imprimeur-libraire vénitien Gabriel Giolito de Ferrari avait choisi le phénix, symbole d’éternité et de prospérité, comme emblème de son officine. Il est accompagné de deux devises en latin et italien : « Semper eadem », signifiant « Toujours les mêmes », et « De la mia morte eterna vita i vivo » (« De ma mort je vie la vie éternelle »). Sur sa marque, sous la représentation de l’oiseau merveilleux, apparaissent également les initiales du libraire, GGF. (Oratorio de i religiosi, et esercitio de i virtuosi / Antonio de Guevara.- Venise : Gabriele Giolito de Ferrari, 1560 (Poitiers, BU, Fonds Ancien, XVI 883))

Le phénix dans l’imprimerie

Cet oiseau fabuleux fut l’un des symboles préférés des imprimeurs. Ils le mettaient sur leurs enseignes, les éléments du décor des publications et les marques typographiques. Ainsi, à Paris en 1550, Louis Bégat fit copier une image de l’Histoire et description du phœnix de Guy de La Garde publiée la même année, pour en faire sa marque personnelle, apposée sur ses publications. Elle lui a semblé convenable pour illustrer l’adresse de sa maison « à l’enseigne du Phénix », héritée de son beau-père.

Anna Baydova

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